lulli\'s dreams

lulli\'s dreams

conte de fée (sur la demande de Kiglisss)

Il était une fois, dans un royaume fort ancien et fort joli, tout au bord du lac Tijaja, une maison fort humble, fort vétuste. Dans cette petite maison fragile, il y avait un humain, et en ce temps-là, ça n'était pas chose si commune. Un humain un peu bourru de par sa trop grande solitude…

Autour de lui n'était que verdure, ruisseaux qui chantent, forêts et au loin les montagnes sévères qui le jugeaient, de leur cœur de pierre, durement. Tu ne fais rien que te plaindre petit humain mais regarde-nous donc ! Nous, les pierres sur lesquelles tu marches, les pierres avec lesquelles tu as bâti ta masure si petite et si laide ! Regarde-nous donc ! Ah si nous étions comme toi, léger et bipède, courant, nous flânerions au vent, heureuses enfin !

Mais le soupir des pierres ne rendait pas l'humain meilleur, il haussait les épaules. Qu'est-ce qu'elles y comprenaient les pierres, à sa peine insondable ? Ah ! S'il pouvait être elles, avoir enfin des rêves raisonnables… Et il se remettait à se plaindre telle une girouette désaxée…

Un beau jour ordinaire, les êtres qui entouraient l'humain se réunirent au sommet de la plus haute montagne, recouvert d'une fine couche de glace sur lequel la neige jouait un peu.

En se levant, l'humain se demanda pourquoi il était encore là et pourquoi il se levait tous les matins, lui qui n'avait rien à faire. Sans même s'en rendre compte, de plainte en plainte il sortit sur le devant de sa porte et posa un regard vague sur ce qui l'entourait. Quelque chose clochait, mais quoi ? Il se creusa les méninges et finit par hausser les épaules. Il rentra chez lui, regarda un instant par la fenêtre et ressortit en courant… Le lac ! où était passé le lac ? et les arbres ? et les herbes folles ? où étaient les ruisseaux ? les oiseaux ? les ours bruns ? le vent ? où était donc ce foutu vent qui l'avait réveillé ?

Autour de lui, il n'y avait plus rien, c'était comme si le temps s'était effacé. Effrayé, l'humain leva les yeux au ciel mais ne vit ni l'horizon, ni les nuages, seul le bleu comme immuable, bien qu'un peu plus transparent demeurait en place. Il se demanda s'il devenait fou mais repoussa cette idée loin de lui. S'il était fou, il le saurait bien !

Là-haut, sur la plus haute des montagnes, ça discutait sec, vert et tordu ! Le lac hurla d'indignation, l'humain osait se baigner en lui et pêcher de jolis poissons d'argent qui en pleuraient de rage contenue. La forêt pria longuement la montagne de prendre en considération sa requête légitime ; pour se chauffer l'humain avait besoin de bois et cela était désastreux ! L'oiseau pleura un peu son triste sort mais surtout celui de ses œufs appétant en diable ! Et chacun parlait pour lui-même, se lamentait, se trouvait le plus à plaindre. Le ruisseau voyait son lit pollué par les urines, le chat sauvage ne savait plus où loger et le nuage trouvait odieux le désamour de l'humain à son égard, l'horizon riait sous cape. Seule la montagne ne disait rien. Après ce tintamarre de tous les diables, tous se turent dans l'attente de la sainte parole qui fut longue à remonter du cœur de la pierre fendue.

Vous êtes pis que l'humain, tous autant que vous êtes ; lui se plaint sans cesse à tout vent mais vous, qu'attendez-vous de moi ? Que je sois la solution ? Que j'aille m'entretenir avec lui ? Regardez-le donc qui arrive… Je ne dirai rien, à vous de voir avec lui.

L'humain, par le raffut de la petite tempête provoquée par les cris du vent et des nuages mêlés montait vers le sommet de la plus haute montagne, déterminé. Le terrain était accidenté et la montagne revêche ne l'aidait guerre. Au bout d'un temps, long, il arriva à portée de vue de tous et se posta bien droit devant ces interlocuteurs à la mine renfrognée.

Alors, on ne m'invite pas à vos petites réunions ? Moi qui vous aide, moi qui suis tout pour vous ! Moi qui vous ai nommés, qui vous ai harcelés, qui vous ai embellis à force de peine ! Comment, vous ne m'invitez pas ? Parleriez-vous dans mon dos ? Pensez-vous que je ne vous retrouverai pas ? Pauvres petites choses sans âme ! Répondez !

Le silence qui suivit permit au vent de glacer sang et sèves et au nuage de devenir bruine légère…

Assieds-toi donc l'humain sans nom, assieds-toi donc et regarde-nous ; pour une fois, fais silence. Et l'humain se mit en tailleur, regarda tour à tour chacun dans un silence qui pesait sur toute la montagne. La plus petite créature sortit de l'ombre, c'était une chose que l'humain ne pensait pas avoir jamais vue et qu'il nomma pour lui même insecte sans trop y penser. L'insecte donc s'approcha de l'oreille de l'humain lui sachant l'ouïe peu fine.

Je suis la plus petite bête venue ici pour vous parler l'humain, hier vous avez écrasé mon petit nid douillet qui gênait sans doute… Que puis-je faire sans nid ?

L'humain ne dit rien. La forêt vint à lui.

L'humain, regarde-moi, je suis tout autour de toi, je t'englobe et tu prends mes jeunes plants pour en faire ta paillasse, et tu arraches l'écorce de mes arbres quand tu t'ennuies, sais-tu qu'on n'en survit pas ? Et tu nous abats pour nous brûler ! Comment survivre ainsi ?

L'humain ne dit rien. Le lac Tijaja vint à lui.

Dis-moi, l'humain, ne crois-tu pas qu'il faille qu'on parle ? Tu utilises mes eaux et tu pêches mes poissons les plus beaux sans contrepartie ! Comment cela peu fonctionner longtemps ! je n'aurai plus de quoi bouger si tu continues ainsi !

L'humain ne dit rien. Le chat sauvage vint à lui.

Avant toi, je logeais dans une vieille maison de pierre fendue que tu as emplie de bois mort… Où puis-je vivre maintenant que le froid arrive et que mes petits ont besoin d'un coin sec ?

L'humain ne dit rien. Le nuage vint à lui.

Pourquoi ne m'aimes-tu pas moi qui fais pousser les herbes que tu foules, les arbres que tu abats et qui fais couler les ruisseaux dont tu te sers et le lac à qui tu voles des poissons ?

L'humain ne dit rien. L'horizon vint à lui.

Je vois tout puisque je ferme ton monde, je le borde toutes les nuits et je sais que tu ne vas pas bien l'humain, je ne te comprends pas, pourquoi tant de peine alors que tu utilises chacun de nous pour ta satisfaction et à ta guise ?

L'humain ne dit rien. La montagne parla enfin.

Ceci est un procès, l'humain, et la parole t'en revient. Dis-nous ce qui ne va pas, trouvons ensemble une solution, et quand enfin on l'aura trouvée, il faudra nous y tenir fermement sans quoi…

L'humain ne dit rien. Le vent souffla.
Lentement l'humain se leva.

Je ne savais pas être si gênant, moi qui suis toujours tout seul…

Le reste de la phrase se perdit, le vent avait roulé en bas de la pente par mégarde et le nuage avait fini de pleuvoir, les ruisseaux s'étaient remis à couler ; au son de la voix de l'humain, les oiseaux étaient repartis et les poissons sautillaient dans le lac en bas de la montagne tout près de la maison brisée. Seul le chat sauvage, la forêt, l'horizon et la montagne restaient là.

L'horizon dit : l'humain, j'ai vu d'autres humains comme toi, l'un d'eux viendra, je le sais, il est en chemin, tu ne seras plus seul, te plaindras-tu moins ?
Je ferai mon possible.
La forêt murmura : prends du bois mais laisse les graines sur place.
L'humain répondit : j'y penserai et ne toucherai plus l'écorce blanche des bouleaux.
Le chat vint sur ses genoux : je ne parlerai pas, occupe-toi de moi, je te réchaufferai.
L'humain : tu te nommeras Le Chat et tu seras chez toi chez moi.
La montagne dit : l'humain, je te nomme l'homme-qui-glisse car sur la neige tu apprendras à mener ton traîneau, nous sommes quittes et te voilà nommé.
Kiglisss : merci à vous montagnes, cela est bien joli, je ferai attention à vous tous et j'inventerai la luge.

Chacun retourna chez lui. Kiglisss, secrètement attendait l'arrivée promise par l'horizon. Il apprit donc l'espoir, se levant tôt, ayant un but, faisant attention à l'entretien de sa masure… L'humain promis tarda mais finit par venir, un an après le grand rassemblement.

Kiglisss, de nu vêtu l'attendait droit et ferme, anxieux dans la chaleur naissante. Et l'humain fut là. Elle n'était ni belle ni moche, ni grosse ni maigre, ni méchante ni gentille, ni affable ni désagréable, elle était drôle et parfaite. Elle savait faire pousser des laitues.

Kiglisss voulut l'épouser et la montagne régala ! les noces furent somptueuses, et ils eurent beaucoup d'enfants qui ne respectèrent pas le pacte, à quoi bon leur en vouloir ? Ils n'avaient pas entendu la nature leur parler…


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NB : kiglisss c'est quelqu'un, celui qui m'a dit d'écrire un conte de fée...



28/12/2009
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